France Info a réalisé une très intéressante enquête pour donner la parole à ceux qui ont tourné le dos à l’avion pour voyager, notamment en Europe.
Certains touristes ont poussé la réflexion plus loin. Alors que la dernière décennie a vu se multiplier les vols abordables entre grandes villes européennes, est-il nécessaire de prendre l’avion entre Paris et Berlin, Lille et Copenhague, ou Montpellier et Madrid ? Des voyageurs expliquent à franceinfo pourquoi ils préfèrent le rail.
Extraits de leurs réflexions :
“Nous avons mesuré notre empreinte carbone”
“L’an dernier, on est allés au Danemark en avion, mais on se rend compte qu’on peut le faire en train, avec une nuit en Allemagne, et même poursuivre vers la Suède. Je suis dans un métier où la notion de bilan carbone est omniprésente”, explique le père de famille, qui travaille dans la finance verte. Voyager en train, “c’est appliquer ce dont je parle tous les jours au bureau”. Comme lui, Sarah confie que sa conscience écologique a pesé dans son choix de transport pour se rendre en Italie depuis Londres, malgré la journée et demi de trajet. “En début d’année, avec mon compagnon, nous avons mesuré notre empreinte carbone”, sur un calculateur en ligne (en anglais) de l’ONG WWF, et “c’est surtout l’avion qui expliquait notre mauvais chiffre”.
“Les vacances commencent tout de suite”
Pour certains, l’avion n’est pas synonyme de facilité, mais de stress. Ainsi, Guillaume place en tête des avantages du train “l’absence d’attente et le peu de contrôles par rapport à un aéroport. On se pose dans le train et les vacances commencent tout de suite”. C’est encore plus vrai pour ceux qui, comme lui qui réside dans les Deux-Sèvres, n’habitent pas une agglomération dotée d’un aéroport : “On n’a plus à se lever tôt, prévoir d’arriver avec deux heures d’avance, faire deux heures de route pour aller à l’aéroport de Nantes ou de Bordeaux…”
“Prendre le train n’est pas forcément une attitude écolo”, acquiesce auprès de franceinfo Philippe Gloaguen, cofondateur des guides du Routard. Il se targue d’avoir “senti cette tendance depuis 5 ans”, via le riche courrier des lecteurs. “Il y a une population qui ne voyage qu’en train, pour qui ce que vous pouvez faire d’un coup d’avion en une heure devient banal.”
“J’ai toujours trouvé bizarre l’impression de sauter dans l’avion pour débarquer quelques heures plus tard à l’autre bout du monde”, acquiesce Aurore, une autre voyageuse ayant répondu à franceinfo. Pour renouer avec l’impression d’une “progression” dans le voyage, elle a préféré une alternance de trains et de stop pour relier Paris à Istanbul. Pour Denis aussi, l’avion n’a pas la même saveur que le rail.
“L’approche d’un pays, c’est aussi observer le changement de paysage, dans la façon dont les gens vivent, les habitudes sociales.”
“Ma compagne est un peu plus réticente”
Si son guide recommande des trajets en train en France, Juliette Labaronne estime que cette philosophie du voyage peut aussi s’appliquer à l’étranger. “Le train peut vous donner des idées : vous aller passer au milieu d’une région que vous n’aviez pas repérée et que vous trouverez très belle”, et décider d’y faire une halte. Composer un itinéraire à travers l’Europe oblige d’ailleurs à des haltes dans des villes méconnues, qui peuvent se révéler de belles surprises. Denis garde un bon souvenir de quelques heures dans la ville “très sympa” de Stuttgart (Allemagne), et Mats de son escale de deux jours dans la “pittoresque” Gdansk (Pologne).
Les voyageurs interrogés par franceinfo en sont conscients : la lenteur dont ils font l’éloge ne convient pas à tout le monde. Patrick, par exemple, a beaucoup apprécié son trajet de cinq heures entre Aix-en-Provence et Barcelone, et se verrait bien tenter l’expérience vers Madrid ou Prague. Il veut toutefois ménager “l’harmonie du couple”. “Ma compagne est un peu plus réticente. Passer pratiquement la journée dans un train, ça la dissuade”, explique-t-il.
“Partir avec pas grand-chose”
D’autres point sont plus épineux. Les longs trajets en train empiètent sur le temps passé à destination ou allongent d’autant la durée des vacances, qui n’est pas sans limite. “Pour rentrer d’Istanbul, on a dû prendre l’avion”, regrette par exemple Aurore. “C’était faisable en train, mais c’était compliqué vis-à-vis de mon travail, après déjà plus de trois semaines d’absence.” “Pour les voyages d’une semaine, ça reste difficile de ne pas prendre l’avion”, reconnaît Alban, lui aussi adepte des longs trajets en train en Europe. Mats et sa famille ont fait le choix de prendre des congés moins réguliers, mais plus longs.
Voyager par le rail “apprend à partir avec pas grand-chose”, ajoute Denis, qui conseille de s’en tenir à un sac à dos ou une petite valise pour faciliter les correspondances. Dans le train, cependant, aucune limitation sur les bagages, ce qui a ses avantages. “Quand on va dans un pays avec une gastronomie si exceptionnelle, on en profite” pour rapporter de bons produits, se réjouit Sarah avant son périple en Italie.
“On se demande si l’avion ne va pas redevenir un luxe”
La question du prix est également très discutée. On le sait, les vols en avion, même peu chers, sont globalement l’apanage des foyers les plus aisés. Les tarifs du train sont rarement compétitifs avec ceux des compagnies aériennes low cost. Pourtant, certains voyageurs assurent faire des économies. Entre Londres et Venise, Sarah aurait payé le double de son voyage en train (134 euros) si elle avait pris l’avion. Surtout qu’il lui aurait fallu ajouter le coût des liaisons entre centre-ville et aéroport.
Nombre d’adeptes des itinéraires à rallonge utilisent le service InterRail, qui propose des passes à tarif fixe permettant de voyager librement en Europe sur une période donnée. L’option décrite comme la “plus populaire” offre sept jours de trajet au choix sur un mois. “J’ai découvert que ce n’était pas réservé aux jeunes”, se réjouit Denis, la cinquantaine, qui donne un astuce : le passe peut même être avantageux pour une seule destination. “Pour un Rennes-Prague, il me revient moins cher qu’un simple aller-retour.”
La question est cruciale. “Tant qu’il y a une différence de prix nette, le train restera marginal”, estime Juliette Labaronne. Un événement vient cependant rebattre les cartes : la pandémie de Covid-19, qui a durement touché le secteur aérien. “Cette histoire à vraiment remis les pendules à l’heure pour beaucoup de gens”, estime la journaliste. Sarah ou encore Guillaume expliquent se sentir peu rassurés par l’avion sur le plan sanitaire, mais aussi économique. “Quand on voit ce qui se passe chez Air France ou Airbus, on se demande si l’avion ne va pas redevenir le produit de luxe qu’il était il y a 30 ou 40 ans”, témoigne Guillaume.
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