Transition écologique : les grandes manœuvres de l’industrie automobile pour limiter la casse
19 décembre 2020
par Philippe Reltien, Cellule investigation de Radio France – franceinfo
Elle serait la « solution », celle qui toujours, permettrait de remettre à plus tard l’indispensable réflexion sur notre modèle socio-économique et la nécessité d’en sortir au plus vite. Elle, c’est la voiture électrique qui, au nom de l’écologie, assurerait la transition. Vaste supercherie, la e-voiture servirait surtout à endormir et distraire les esprits, étant tout sauf écologique, dotée de batteries produites avec des minerais tirés d’une exploitation mondialisée, rechargée par des centrales électriques. On oublierait presque qu’il a fallu les produire pour remplacer les anciennes.
En 2040, plus aucune voiture neuve consommant des énergies fossiles ne devrait être vendue en France. L’industrie automobile est sous pression, ce qui la pousse à développer une stratégie de défense, quitte à contourner les règlementations.
L’industrie automobile n’a plus le choix. Dès 2040, la règlementation imposera l’interdiction de la vente de véhicules neufs équipés de moteurs thermiques. En attendant cette échéance, elle temporise en vendant de plus en plus de voitures électriques, tout en continuant à vendre des voitures thermiques. Mais pas n’importe lesquels : la plupart sont des véhicules imposants, tels que les SUV (sport utility vehicle).
“Plus elles sont lourdes, plus les constructeurs gagnent de l’argent, explique Nicolas Meilhan économiste et conseiller pour France Stratégie. La marge sur une voiture est proportionnelle à son poids. Pour les petits véhicules, qui coûtent peu cher, il n’y a plus assez de marge. De plus, l’objectif de réduction des émissions de CO2 est indexé sur le poids des voitures. Plus vous vendez des voitures lourdes, plus vous pouvez émettre de CO2.”
Une anomalie qui remonte à 2009. À l’époque, à la Conférence de Copenhague sur les changements climatiques (COP 15), la France accepte sous la pression de l’Allemagne de moduler la quantité de CO2 autorisée par véhicule en fonction de son poids. L’idée selon laquelle plus le véhicule est lourd plus il a le droit de polluer est actée, la mode des SUV est alors lancée.
Des hybrides pas si propres que ça
La plupart de ces grosses voitures sont cependant des véhicules hybrides. Moitié électriques, moitié thermiques, donc beaucoup moins polluant peut-on penser. Mais ils sont aussi beaucoup plus lourds, car ils abritent deux moteurs. Et “une batterie électrique peut rajouter plusieurs centaines de kilos, explique Aurélien Bigo, ingénieur et chercheur dans la transition énergétique des transports. Pour la voiture électrique la plus vendue en France, la Zoé Renault, c’est 300 kg de batterie.” L’utilisation des véhicules hybrides sur autoroute ou par grand froid ne permet pas de recharger le moteur électrique suffisamment vite. C’est donc le moteur thermique qui prend le relais, avec une consommation de carburant qui se rapproche des véhicules classiques.
La configuration des routes françaises est aussi en jeu : le nombre élevé de ronds-points et de ralentisseurs joue aussi sur la consommation des moteurs électriques. “La force qui est demandée au véhicule après un ralentisseur va affaiblir la batterie, dénonce Thierry Modolo, président de l’association Pour une mobilité sereine et durable (PMSD). Résultat, au lieu d’avoir une conduite coulée, on a une conduite hachée où on demande en permanence, comme pour un moteur thermique, de la puissance pour relancer. Un hybride ne peut donc pas faire le kilométrage qui est prévu initialement avec la batterie, parce qu’en permanence, on lui demande de relancer de la masse et donc de consommer de l’énergie.”
Résultat : “Par rapport à une voiture de sa même catégorie, en thermique pur, vous gagnez un ou deux litres aux 100 [kilomètres]. Ce n’est pas du tout significatif”, complète Matthieu Auzanneau, directeur du think tank The Shift Project.
Un malus pour les véhicules les plus lourds torpillé
En juillet 2020, la Convention citoyenne pour le climat propose d’instaurer un malus pour l’achat de véhicules de plus de 1,4 tonne, avec les SUV dans le viseur. Le syndicat professionnel Plateforme automobile (PFA) qui regroupe les équipementiers se bat contre cette taxation. “Ce n’est pas une bonne idée, ce n’est pas à coup de taxes qu’on sauvera l’industrie automobile, c’est absurde, fulmine le président de PFA et ancien ministre Luc Chatel. Il y a toute une filière de sous-traitance [en France] qui vend à tous les constructeurs mondiaux et en particulier aux constructeurs européens… On se tire une balle dans le pied.” Sous sa pression, ainsi que d’associations d’automobilistes, le ministère de l’Économie a donc finalement fixé la barre à 1,8 tonne, et uniquement pour les moteurs thermiques. Cela ne concernera qu’environ 60 000 véhicules par an à partir de 2022.
Quand les constructeurs s’allient pour éviter de payer les amendes
L’Union européenne prévoit pour la première fois d’infliger pour 2020 des amendes aux pollueurs. Chaque constructeur s’est vu imposer un plafond d’émission de CO2 par véhicule. Ce plafond est fixé à 95 grammes par kilomètre pour les voitures légères et à 133 g/km pour les SUV. “La sanction, c’est une pénalité qui s’élève à 95 euros par gramme de CO2 par kilomètre en excès, et ceci est multiplié par le nombre de véhicules vendus par un constructeur sur une année, détaille Lucien Mathieu, analyste chez Transport & Environment. Si un constructeur qui vend 500 000 véhicules en Europe par an dépasse son objectif, avec 1 gramme de CO2 par kilomètre en trop, la pénalité sera de 50 millions d’euros.”
Face à cette menace, des constructeurs ont mis au point un stratagème. Certains, en retard sur la réduction de leurs émissions, s’organisent pour constituer une alliance avec d’autres en avance sur l’électrique. Ils mutualisent ainsi leurs ventes déclarées auprès de Bruxelles pour éviter de payer des pénalités. C’est le cas de Fiat Chrysler (FCA). Pour une somme qui reste secrète, la firme italienne s’est alliée à Tesla, qui ne produit que des véhicules 100% électriques. C’est aussi le cas de Ford qui s’est allié à Volvo. Il existe aussi un partenariat entre Mazda et Toyota.
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