
Dans l’Yonne, les « y » sont légion. Dans le nom du département et de sa rivière, bien sûr, mais surtout en terminaison des noms de communes. Voici pourquoi.
Joigny, Charny, Appoigny… Elles sont 181 sur 455, dans l’Yonne, à porter un nom se terminant par un « y ». Soit 39,7 % des communes du seul département, avec les Yvelines, à commencer lui-même par cette lettre.
Des « y » à la fin de 39,7 % des communes
Il y a celles en « y », comme Irancy, mais aussi les noms composés, tel Ancy-le-Franc, ou encore les « oy », « ey », « uy » ou « ay », comme Vézelay. Pourquoi l’Yonne est-elle aussi riche en « y » ?
La « propriété de ». La plupart du temps, cette terminaison découle d’un suffixe gallo-romain iacum ou iacus. « De l’avis général des historiens, ce suffixe évoque un signe d’appartenance », explique Patrice Wahlen, historien auxerrois et professeur des collèges. « C’est “le domaine de”, “la propriété de”, ou encore “la chose de” » Transformée en « y » dans le nord de la France, cette terminaison s’est muée en « ac » au sud (Aurillac, Cognac…).
Un suffixe d’origine gallo-romaine
Selon l’auteur de l’ouvrage Les noms de lieux en Bourgogne, Gérard Taverdet, Nitry, Nantriacus au VIe siècle, aurait ainsi pour racine le nom d’origine germanique Nanther et le suffixe gallo-romain iacu. Il désignerait alors un domaine appartenant à quelqu’un du nom de Nanther.
Carte interactive : toutes les localités de l’Yonne se terminant par y
Une indication géographique. « La plupart du temps, le nom est celui du propriétaire du domaine. Mais il peut aussi s’agir de l’appellation d’un lieu où se trouve un rocher particulier, où poussent certains arbres… » Comme Charmoy, Carmedus au Xe siècle, décrit dans Les noms de lieux en Bourgogne comme étant « dérivé en etum de Carpina, le charme ; lieu où poussent les charmes ».
Des villas gallo-romaines à la naissance des villages. Ces noms de communes en « y », reliées à l’ère gallo-romaine, marquent alors l’emplacement de villas de l’époque. « Lorsqu’on parle de villa, il s’agit bien souvent d’une exploitation agricole et d’une maison de campagne et pas de la villa comme on l’entend aujourd’hui. Elles appartiennent souvent à des familles issues du monde gaulois, qui se sont romanisées. »
Riche en « y », riche en terre fertile
« Ces domaines agricoles sont souvent à la base de la création de villages. Le travail attire des artisans, qui finissent par s’installer. Les noms restent et deviennent ceux des paroisses avec la christianisation, puis des communes, après la Révolution. »
Une implantation en fonction du sol.
Certaines zones de l’Yonne sont quasiment dépourvues de villes en « y ». Comme la Puisaye, où les quelques exceptions ne semblent pas correspondre à des villas gallo-romaines. Toucy, par exemple, Tociacus au VIIe siècle, viendrait plutôt de la racine tort, désignant un marécage. « Le monde antique recherchait des terres à blé. Les lieux plus difficiles à cultiver, comme la Puisaye, plutôt marécageuse, ont été moins peuplés. » À l’inverse, le sud du département, notamment le Tonnerrois, est riche en noms dont le « y » final correspond à ce suffixe gallo-romain.
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Un domaine fragile reposant sur beaucoup d’hypothèses“
L’origine des noms de lieux est parfois un mystère et les historiens disposent souvent de peu d’indices.
« Le problème, c’est le moment à partir duquel le nom apparaît dans les archives », explique l’historien Patrice Wahlen. « Les noms latins connus proviennent souvent de documents médiévaux. Il faut alors se fier à la racine médiévale en supposant qu’elle reprenne la terminaison gallo-romaine. »
Des noms qui changent selon les époques. Selon le Dictionnaire topographique de l’Yonne réalisé par Maximilien Quantin au XIXe siècle, Arcy-sur-Cure a par exemple été Arsiacum, Arseium, Arxeium, Arciacum ou encore Arsi.
L’origine de certains noms reste floue. Comme pour Tanlay, dans Les noms de lieux de Bourgogne, de Gérard Taverdet. Et de bien d’autres noms pour lesquels les spécialistes s’interrogent encore aujourd’hui. « C’est un domaine fragile, qui repose sur beaucoup d’hypothèses. Ce qui est bien, c’est lorsque l’archéologie confirme l’hypothèse. Quand on découvre la présence d’une villa gallo-romaine au niveau de la commune, dans le cas des « y ». »
Sources. Les Noms de lieux en Bourgogne, Gérard Taverdet ; Les Noms de Lieux, Albert Dauzat,
Dictionnaire topographique de l’Yonne, Maximilien Quantin.
Myriam Lebret
myriam.lebret@centrefrance.com
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